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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/181

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nous nous portons à dix ou douze pas en avant, sur la place ; là, nous apercevons quatre des fantassins entourés par quinze Cosaques. Nous les entendons crier et se débattre sous les pieds des chevaux ; les trois autres étaient poursuivis dans la direction du bois qu’ils voulaient atteindre.

Nous nous disposions à les soutenir d’une manière vigoureuse, quand, tout à coup, la tourmente qui nous menaçait depuis longtemps, s’annonça avec un bruit épouvantable. La neige qui, depuis le commencement du combat, n’avait cessé de tomber, nous enveloppe et nous aveugle. Nous nous trouvons, pendant plus de six minutes, dans un nuage épais, et obligés de nous tenir fortement l’un à l’autre, afin de ne pas être enlevés par le vent. Tout à coup et comme par enchantement, tout disparaît, et, à quatre pas, nous voyons l’ennemi qui, en nous apercevant, pousse des hurlements. Nos mains, engourdies par le froid, nous empêchent de faire usage de nos armes. Néanmoins, ils n’osent venir sur nous, et, tout en leur faisant face, la baïonnette au bout du canon et croisée contre eux, nous regagnons le bois et eux s’éloignent au galop.

À peine à l’entrée du bois, nous apercevons les trois autres fantassins que cinq Cosaques poursuivaient du côté opposé. Nous tirâmes deux coups de fusil sur les poursuivants, sans résultat, et nous allions recommencer, quand, tout à coup, vers le milieu du lac, nous les voyons s’enfoncer et disparaître, ainsi que deux Cosaques. Les malheureux avaient passé à la place où, le matin, les Russes avaient cassé la glace pour faire abreuver leurs chevaux et qui, recouverte d’une autre glace non encore assez forte pour supporter le poids de plusieurs hommes, avait été recouverte, à son tour, par la neige.

Un troisième Cosaque, voyant disparaître les premiers, voulut retenir son cheval et le fit cabrer de manière qu’il était presque droit. Il glissa des pieds de derrière et se renversa de côté avec son cavalier ; il voulut se relever, glissa encore, mais, cette fois, pour disparaître avec celui qu’il avait renversé.

Nous fûmes saisis d’horreur, et ceux qui nous poursuivaient, épouvantés, et sans chercher à secourir leurs camarades, restaient immobiles sur le lac. Les deux autres qui