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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/194

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vait une habitation assez grande et, autour, quelques petites masures ; c’était une station ou lien de poste. Mais, par malheur, nous apercevons des chevaux attachés aux arbres. Des cavaliers sortent de l’habitation et se forment en ordre sur le chemin ; ensuite ils se mettent en marche. Ils étaient huit, couverts de manteaux blancs, la tête coiffée d’un casque très haut et garni d’une crinière ; ils ressemblaient aux cuirassiers contre lesquels nous nous étions battus à Krasnoé, dans la nuit du 15 au 16 novembre. Ils se dirigèrent, heureusement pour nous, du côté opposé à celui que nous voulions prendre. Nous supposions, avec raison, que c’était un poste qui venait d’être relevé par un autre.

Lorsque nous entrâmes dans la forêt, il nous fut impossible d’y faire vingt pas. Il semblait qu’aucune créature humaine n’y avait jamais mis les pieds, tant les arbres étaient serrés les uns contre les autres, et tant il y avait de broussailles et d’arbres tombés de vieillesse et cachés sous la neige ; nous fûmes forcés d’en sortir et de la suivre en dehors, au risque d’être vus. Notre pauvre cheval s’enfonçait, à chaque instant, dans la neige jusqu’au ventre. Mais comme il n’en était pas à son coup d’essai, quoique ayant deux cavaliers sur le dos, il s’en tirait assez bien.

Il était presque nuit et nous n’avions pas encore fait la moitié de la route. Nous prîmes, sur notre droite, un chemin qui entrait dans la forêt, afin de nous y reposer un instant. Étant descendus de cheval, la première chose que nous fîmes fut de boire la goutte. C’était pour la cinquième fois que nous caressions notre bouteille, et l’on commençait à y voir la place. Ensuite nous nous concertâmes.

Comme, dans l’endroit où nous étions, se trouvait beaucoup de bois coupé, nous décidâmes de nous établir un peu plus avant, pour nous tenir à une certaine distance des maisons qui étaient sur la route. Nous nous arrêtâmes contre un tas de bois qui pouvait, en même temps, nous abriter à demi. Après que Picart se fut débarrassé de son sac, et moi de la marmite, il me dit : « Allons, pensons au principal ! Du feu, vite un vieux morceau de linge ! » Il n’y en avait pas qui prenait mieux le feu que les débris de ma chemise. J’en déchirai un morceau que je remis à Picart ; il en fit une mèche qu’il me dit de tenir, ouvrit le bassinet de la