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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/217

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un tour de peau de renard noir. À sa droite, marchait également à pied le roi Murat ; à sa gauche, le prince Eugène, vice-roi d’Italie ; ensuite les maréchaux Berthier, prince de Neufchâtel ; Ney, Mortier, Lefebvre, ainsi que d’autres maréchaux et généraux dont les corps étaient en partie anéantis.

À peine l’Empereur nous avait-il dépassés, qu’il monta à cheval, ainsi qu’une partie de ceux qui l’accompagnaient ; les trois quarts des généraux n’avaient plus de chevaux. Tout cela était suivi de sept à huit cents officiers, sous-officiers, marchant en ordre et portant, dans le plus grand silence, les aigles des régiments auxquels ils avaient appartenu et qui les avaient tant de fois conduits à la victoire. C’étaient les débris de plus de soixante mille hommes. Venait ensuite la Garde impériale à pied, marchant toujours en ordre. Les premiers étaient les chasseurs à pied. Mon pauvre Picart, qui n’avait pas vu l’armée depuis un mois, regardait tout cela sans rien dire, mais ses mouvements convulsifs ne faisaient que trop voir ce qu’il éprouvait. Plusieurs fois, il frappa la crosse de son fusil contre la terre, et de son poing sa poitrine et son front. Je voyais de grosses larmes couler sur ses joues et retomber sur ses moustaches où pendaient des glaçons. Alors, se retournant de mon côté : « En vérité, mon pays, je ne sais pas si je dors ou si je veille. Je pleure d’avoir vu notre Empereur marcher à pied, un bâton à la main, lui si grand, lui qui nous fait si fiers ! » En disant ces paroles, Picart releva la tête et frappa sur son fusil. Il semblait vouloir, par ce mouvement, donner plus d’expression à ses paroles.

Il continua : « Avez-vous remarqué comme il nous a regardés ? » Effectivement, en passant, l’Empereur avait tourné la tête de notre côté. Il nous avait regardés comme il regardait toujours les soldats de sa Garde, lorsqu’il les rencontrait marchant isolément, et surtout dans ce moment de malheur, où il semblait, par son regard, vous inspirer de la confiance et du courage. Picart prétendait que l’Empereur l’avait reconnu, chose bien possible.

Mon vieux camarade, dans la crainte de paraître ridicule, avait ôté son manteau blanc qu’il tenait sous son bras gauche. Il avait aussi, quoique souffrant de la tête, remis son bonnet à poil, ne voulant pas paraître avec celui en