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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/304

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Ensuite il me conta qu’il avait quitté Kowno, hier dans la journée, avec beaucoup d’autres, et sans s’inquiéter de rien, puisque le maréchal Ney y était encore à se battre, avec une arrière-garde composée d’Allemands et de quelques Français, afin d’empêcher les Russes d’entrer dans la ville, et de donner le temps aux débris de l’armée de sortir. Ces Allemands, me disait-il, qui faisaient partie de la garnison de Kowno, qui se portaient très bien et à qui rien n’avait jamais manqué, étaient de pauvres soldats ; sans la présence des Français en petit nombre parmi eux, ils auraient jeté leurs armes et fui :

« Je vais, continua-t-il, te conter ce qui m’est arrivé hier, et tu verras si je n’ai pas raison de t’engager à faire ton possible afin de sortir de ce coquin de pays !

« Après avoir passe le Niémen, arrivés à un quart de lieue de la ville, nous aperçûmes de loin, à cheval sur la route, plus de 2 000 Cosaques et autres cavaliers. Nous arrêtâmes pour délibérer sur le parti à prendre et aussi pour attendre ceux qui étaient en arrière. Un instant après, nous nous trouvâmes réunis environ 400 hommes de toutes armes. Nous formâmes une colonne, afin de pouvoir, au besoin, former un carré. Des officiers qui se trouvaient parmi nous — il y en avait beaucoup — en prirent le commandement. Ensuite, vingt-deux soldats polonais se joignirent à nous. Environ cinquante hommes des plus valides, et qui avaient de bonnes armes, se mirent en tirailleurs, en tête et sur les flancs.

« Nous marchâmes résolument sur cette cavalerie qui, à l’approche des tirailleurs, se retira à droite et à gauche de la route. La colonne, arrivée à la hauteur des Russes, s’arrêta pour attendre quelques hommes encore en arrière. Quelques-uns seulement purent la rejoindre, car une partie des Cosaques se détacha pour arrêter les plus éloignés. Un nommé Bousin[1], grosse caisse de notre musique, qui se trouvait du nombre de ceux qui étaient en arrière et qui faisait son possible pour rejoindre la colonne, ayant encore (chose étonnante !) la grosse caisse sur son dos et portant

  1. Bousin, en argot, signifie tapage. Le surnom donné au porteur de la grosse caisse lui servait de nom propre.