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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/359

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pieds ; quelques-uns réunissaient tous les maux à la fois. Le bruit se confirmait que les Russes avançaient ; aussi l’on donna l’ordre de se tenir prêts, comme à la veille d’une bataille, et de ne dormir que d’un œil pour ne pas être surpris ; de tenir les armes en bon état et chargées, de donner de nouvelles cartouches et de venir à l’appel avec armes et bagages.

L’appel n’était pas encore fini, que je me sens frapper sur l’épaule et un gros rire vient me percer les oreilles ; c’était Picart, dans sa belle tenue et sans masque, qui me saute au cou, m’embrasse et me souhaite une bonne année. D’un autre côté, c’était Grangier qui en faisait autant, en me mettant trente francs dans la main : mes compagnons de voyage avaient vendu notre traîneau et le cheval cent cinquante francs. C’était ma part qu’il me remettait. Après plusieurs questions sur ma nouvelle capote, nous partîmes pour aller dîner chez moi, comme cela avait été convenu. En arrivant, nous trouvâmes deux autres dames : ainsi, nous avions chacun la nôtre. Un instant après, nous nous mettons à table sans cérémonie.

Notre dîner finit assez tard, et comme il avait commencé, c’est-à-dire joyeusement.

En sortant, j’entendis une des dames qui disait à Mme Gentil : « Tarteifle des Franzosen ! » ce qui veut dire : « Diables de français ! » Elle ajouta : « Ils sont toujours gais et amusants ! »

Le lendemain, étant à la réunion, Picart vint me trouver pour me raconter qu’en entrant dans son logement, il avait trouvé toute la famille de son hôtesse réunie, mais jurant contre l’oncle défunt ; que sa bourgeoise lui avait conté que, dans la journée, une femme était arrivée venant de Riga ; elle était accompagnée d’un petit garçon de neuf à dix ans qu’elle avait eu, disait-elle, avec M. Kennmann, l’oncle défunt, et qu’il avait reconnu pour son héritier ; que l’on allait mettre les scellés et que lui, Picart, avait demandé si on les mettrait aussi sur la cave ; qu’on lui avait dit, par précaution, de remonter quelques bouteilles pour sa consommation ; qu’il avait répondu qu’il en remonterait le plus possible ; qu’alors il s’était mis à la besogne, et qu’il en avait déjà remonté plus de quarante qu’il avait cachées sous la botte