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Page:Bréhier - Les Thèmes actuels de la philosophie, 1951.djvu/106

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son pessimisme le ton froid et autoritaire qui est frappant dans cette école, mais ce qui lui confère aussi son actualité, puisque, selon le trait général de la pensée contemporaine, elle ne connaît que l’homme concret où s’unissent indissolublement corps et âme, conscience et monde extérieur, moi et autrui.

Et je n’aurais rien de plus à en dire si la quatrième et dernière partie de L’être et le néant n’indiquait comme une espèce de retournement dans la pensée de M. Sartre, un passage du pessimisme à une espèce de stoïcisme assez inattendu. Il existe en effet pour l’homme des valeurs telles que le bien qui ne sont rien autre chose que la conscience d’un manque : l’homme recherchant les valeurs aspire donc toujours à être ce qu’il n’est pas et à ne pas être ce qu’il est. Cette incomplétude que nous appellerions indétermination, M. Sartre veut qu’on l’appelle liberté. Nous sommes toujours libres d’assumer, de prendre sur nous la situation dans laquelle nous nous trouvons, d’engager notre responsabilité dans une cause. Remarquons toutefois l’ambiguïté de cette morale selon le mot de Mme de Beauvoir qui en a donné l’exposé ; car le moi n’est lui-même qu’à condition de se fuir, de rester à distance de soi, et il serait mortel pour lui d’essayer de s’identifier à quelque destin que ce soit.