Aller au contenu

Page:Bréhier - Les Thèmes actuels de la philosophie, 1951.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

concrets et actuels, corps et âme, avec le monde qui l’entoure, avec autrui, avec la réalité trans-mondaine — de l’homme ne découvrant les principes et les valeurs que dans la réalisation effective de la science et dans l’expérience de la vie.

Peut-on, à travers des courants si variés, découvrir quelque trait fondamental de cette doctrine de l’homme ? Cela ne paraît pas impossible à condition de prendre quelque recul.

Au xviiie siècle, l’homme apparaissait aux philosophes comme une nature malléable à volonté, sans structure propre ; on voyait dans l’esprit humain le résultat et en quelque sorte le dépôt d’impressions extérieures qui s’entassaient les unes sur les autres ; et l’on pouvait croire, Helvétius notamment croyait que, en imposant telle ou telle direction aux influences du dehors, l’on arriverait à changer l’homme à volonté. À cet homme noyé dans la nature, on opposait pourtant un homme universel, l’homme de la Révolution, dont les droits sont imprescriptibles, l’homme du criticisme kantien dont la conscience dicte des lois à la nature et reçoit à son tour des lois de la raison pratique. Mais entre l’homme évanescent du matérialisme et l’homme universel et abstrait des révolutionnaires disparaît l’homme concret, celui qui peine dans le temps, rencontrant des obstacles