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au sens habituel du mot, comme connaissance du passé par l’intermédiaire des documents. Cette dernière distinction entre l’historien et l’historiciste est à bien préciser. Les critiques assez vives que Paul Valéry et d’autres ont récemment dirigées contre l’histoire reposent en effet sur une confusion entre l’un et l’autre. Il est certain, comme le dit Valéry, que l’historien, avec son information lacunaire, n’a pas le droit de combler les vides par un récit continu, sans sortir de l’objectivité ; mais aussi bien ne le fait-il pas, et le bon historien ne dépasse pas la portée des documents. Il est certain aussi que l’historiciste, à la manière de Croce ou de M. Raymond Aron, dans son Introduction à la philosophie de l’histoire, peut être accusé de ne pas être objectif ; mais il ne veut pas l’être non plus ; pour lui, la connaissance du passé se réfère à une situation présente ; elle fait corps avec le présent ; l’historiciste est comme un coureur qui, en arrêt devant un obstacle, commence par reculer pour mieux sauter ; le passé n’est admis que pour féconder l’action présente.

Cette affirmation de l’historicité dans la pensée contemporaine est, à mon avis, un des traits les plus caractéristiques de cette pensée. Il faut distinguer : 1o La philosophie de l’histoire née dans le christianisme qui se rapporte surtout à l’avenir ; notre présent individuel, pris entre