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Page:Bréhier - Les Thèmes actuels de la philosophie, 1951.djvu/89

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paraissait leur donner une consécration définitive et sans appel, c’est par une nécessité inhérente au développement même de leur science. Dès avant le milieu du xixe siècle, la création des géométries non-euclidiennes les amenait à conclure que le postulat d’Euclide était réellement un postulat, c’est-à-dire en dépit de l’évidence intuitive qu’il paraît posséder, une proposition qu’Euclide implorait qu’on lui accordât pour qu’il pût établir ses démonstrations. Les géomètres la lui refusèrent et bâtirent, sur deux autres postulats, deux autres géométries dont la cohérence était égale à celle de la géométrie euclidienne. On en conclut que la géométrie est un système hypothético-déductif, c’est-à-dire un système qui laisse libre le choix des principes dont aucun ne se recommande par une certitude spéciale et propre. L’on pouvait croire, il est vrai, à l’époque où Riemann et Lobatchevski inventèrent les géométries non-euclidiennes, que la géométrie euclidienne avait ce privilège d’être celle de l’espace donné dans l’expérience, tandis que les géométries non-euclidiennes étaient des constructions purement logiques ; on ne peut le croire depuis le début de notre siècle, depuis que la physique d’Einstein a montré que l’espace courbe des géométries non-euclidiennes rendait le mieux compte des phénomènes de gravitation.