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Page:Bréhier - Les Thèmes actuels de la philosophie, 1951.djvu/96

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de voir dont on ne saurait trop souligner l’importance. M. Lefebvre remarque avec raison[1] qu’on aurait tort d’en conclure que Marx attachait peu de valeur aux idéologies ; sa méthode consiste à prendre les rapports humains dans leur totalité concrète et non pas à les réduire aux rapports économiques.

Que reste-t-il donc de la dialectique après qu’on en a éliminé l’idéalisme ? Il y a encore chez Marx un conflit, mais c’est un conflit de force entre deux classes sociales ; il y a une solution du conflit, mais cette solution est une révolution violente. Le mot dialectique, appliqué à ces luttes effectives est-il plus qu’une métaphore ? Il en reste pourtant le trait essentiel, c’est la notion d’une aliénation qui est en même temps enrichissante et féconde. La thèse de Marx, c’est en effet que l’humanité ne peut se dégager de l’animalité que par une scission intérieure de la société en deux classes opposées, scission qui est elle-même le prélude de l’unité supérieure. De l’unité immédiate à la scission et de la scission à l’unité médiate, voilà bien les trois moments de la triade dialectique : thèse, antithèse et synthèse.

On peut être étonné de voir ainsi introduire une secrète rationalité dans la violence. Le fond

  1. Le matérialisme dialectique, 1940, p. 66.