Aller au contenu

Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

les enfants, qui ont le bonheur de ne jamais voir ces choses-là de près. Mais si toute votre vie vous aviez été poursuivi par le souvenir d’un crime, vous éprouveriez au centuple l’horreur que vous ferait sentir l’attaque réelle d’un serpent sifflant à vos oreilles. J’ai été face à face avec un assassinat, Haukehurst, et quand je devrais vivre un siècle, je ne pourrais oublier ce que j’ai ressenti au lit de mort de Tom, quand je me suis aperçu tout d’un coup que mon frère l’empoisonnait.

— Et vous n’avez pas tenté de le sauver… lui… votre ami ! s’écria Valentin.

— Mais, voyez-vous, répondit-il d’un ton étrange, il était trop tard pour le sauver, je le savais et je me suis tu. Que pouvais-je faire contre mon propre frère ? Ces sortes de choses dans une famille, c’est une calamité pour chacun. Pensez-vous que quelqu’un serait venu m’apporter une affaire après que mon frère aurait comparu devant le tribunal d’Old Bailey pour crime d’assassinat ? Non, je n’avais pas autre chose à faire que de me taire et je me suis tu. Philippe a gagné dix-huit mille livres à son mariage avec la veuve du pauvre Tom, et sur cet argent, je n’ai jamais touché qu’une misérable somme de cent livres.

— Et vous avez pu toucher à cet argent ! s’écria Valentin avec indignation.

— L’argent n’a pas d’odeur. Vous êtes-vous jamais demandé quelle était la source de l’argent gagné par vous dans les maisons de jeu ! Vos guinées et vos billets de banque auraient pu conter d’étranges histoires s’ils avaient pu parler. Avoir pris l’argent de Philippe, n’a jamais pesé sur ma conscience. Je ne suis pas très-curieux de connaître les antécédents d’un billet de banque ; mais ce que je puis dire, Haukehurst, c’est que je