Aller au contenu

Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

donnerais tout ce que j’ai, tout ce que j’espère posséder un jour, quand je devrais demain prendre un balai pour balayer la rue, si je pouvais chasser de mon esprit le souvenir du regard qu’a tourné vers moi Tom Halliday, la dernière fois que je l’ai vu. « Ah ! George, » me dit-il, « quand il est malade, un homme éprouve du soulagement à se voir avec des amis, » et il prit ma main et la serra avec son ancienne cordialité. Nous nous connaissions depuis l’enfance, Haukehurst, nous avions déniché ensemble des nids dans les bois de Hiley et nous étions dans le même camp dans nos parties de cricket à Barlingford. Et je lui ai serré la main… je suis parti ;… je l’ai laissé mourir !… »

Puis Sheldon de Gray’s Inn, le Sheldon frayant avec des usuriers, le plus dur des agents d’affaires, le moins scrupuleux des adversaires et des associés, se couvrit le visage de ses mains et sanglota tout haut.

Quand l’accès fut passé, il marcha vivement vers la fenêtre, plus honteux de s’être laissé surprendre par cette honnête émotion, que de toute sa carrière de mensonge et de chicane.

« Je n’aurais jamais cru pouvoir être aussi bête, murmura-t-il avec humeur.

— Je n’aurais pas espéré vous voir sentir les choses aussi profondément, dit Valentin. Maintenant, aidez-moi à sauver l’unique enfant de votre malheureux ami. Je suis certain que vous me prêterez votre assistance.

— Je ne savais même pas que la pauvre fille fût malade, dit Sheldon. Je n’ai pas vu Philippe depuis des mois. Il est venu un jour et je lui ai dit ma façon de penser. Je lui ai dit que s’il tentait quelque chose contre elle, je ferais luire la lumière sur lui et sur ses actes, et je tiendrai ma parole.