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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/177

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Le beau-père de Charlotte savait donc fort peu de chose sur son état actuel. On lui avait dit qu’elle était en danger, et les visages sérieux qu’il voyait autour de lui indiquaient que le péril était extrême. Sa chambre lui était interdite. S’il se présentait à la porte pour adresser quelques questions bienveillantes et paternelles, il trouvait sur le seuil Nancy toujours sur pied et infatigable dans sa vigilance. S’il insinuait qu’il avait le désir bien naturel de voir sa belle-fille, on lui répondait ou qu’elle dormait pour le moment, ou qu’elle était trop mal pour le recevoir. Il y avait toujours quelque raison plausible pour lui interdire l’entrée de la chambre, et voyant qu’il en était ainsi, il n’insistait pas.

Il avait pris la mesure de Nancy, et il l’avait reconnue trop forte pour lui ; et doublement forte depuis qu’il la savait soutenue par une seconde sentinelle vigilante, Diana, qu’il avait jugée depuis longtemps comme une jeune personne douée d’un esprit ferme et supérieur.

Il ne pouvait obtenir un renseignement sérieux de sa femme, il n’y avait à tirer d’elle rien que des plaintes et des lamentations, de faibles appréhensions d’un malheur prochain et de plus faibles réflexions rétrospectives de la maladie et de la fin prématurée de son premier mari.

Georgy était admise une ou deux fois par jour dans la chambre de la malade, mais elle n’en sortait pas plus instruite que lorsqu’elle y était entrée.

Le chagrin dans le présent, et la crainte d’un plus grand chagrin à venir, avaient complètement accablé cette pauvre âme sans énergie. Elle croyait ce que d’autres lui disaient de croire ; elle espérait quand on lui disait d’espérer ; elle était l’incarnation et la véritable image de l’accablement dans le malheur.