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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/178

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

C’est ainsi que, l’esprit plongé dans les ténèbres, Sheldon attendait sa destinée. Le jour approchait où il lui faudrait impérieusement trouver une certaine somme d’argent comptant ou se résigner à subir la dure alternative de la ruine et du déshonneur. Il avait les polices d’assurances dans sa caisse, avec le testament par lequel Charlotte l’avait institué son seul et unique légataire. Il avait arrêté dans son esprit quel était l’homme auquel il s’adresserait pour obtenir une avance de quatre mille livres sur le dépôt de l’une des polices, et il comptait sur son banquier pour lui prêter le reste de l’argent qui lui serait nécessaire contre la remise en garantie de l’autre police. Mais pour agir il y avait un événement qu’il fallait nécessairement attendre.

Cet événement, c’était la mort de Charlotte.

Personne, dans la maison, n’avait connaissance de ses excursions au dehors. Le temps qu’il choisissait pour ses promenades sans but, était juste celui où personne n’est encore debout. Celles qui veillaient dans les chambres du premier étage ne l’entendaient ni sortir ni rentrer tant il prenait de précautions pour dissimuler ses mouvements. Mais sans cette trêve à l’effroyable concentration de sa vie, sans cette somme d’exercice physique au grand air, Sheldon aurait difficilement vécu pendant cette période critique de son existence.

La solitude d’un marin naufragé jeté sur une île déserte, n’était pas plus grande que celle dans laquelle cet homme vivait depuis son retour de Barrow.

Passer de son cabinet à la salle à manger et de la salle à manger dans son cabinet, était le seul élément de variété de ses jours et de ses nuits. Il avait un lit de fer dans son cabinet, et c’est là qu’il dormait pendant les premières heures de la nuit, si l’on pouvait appeler