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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/179

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

dormir l’espèce d’assoupissement dans lequel il tombait ; et si son sommeil devenait plus profond, alors il était tourmenté par d’horribles rêves.

De son cabinet, il pouvait entendre le moindre mouvement dans la salle d’entrée, les moindres bruits de pas dans l’escalier, et celui de la porte extérieure chaque fois qu’elle s’ouvrait ou se fermait.

Il y pouvait monter sa garde, se tenir prêt à faire face à ses ennemis, si l’occasion se présentait pour lui d’une action soit défensive, soit agressive.

C’est dans cette pièce qu’il rentrait furtivement, par une brillante matinée d’été, au moment où l’horloge de l’église de Bayswater sonnait six heures.

Il s’était promené dans Bayswater au milieu de tous ces bruits charmants des premières heures du jour : les charrettes arrivant de la campagne, les laitières qui commencent leur tournée journalière, les moineaux qui piaillent sur les plus hautes branches des ormes, les oiseaux qui gazouillent leur hymne joyeux pour célébrer le retour du jour et, par-dessus tout, le pur et radieux éclat du soleil d’été.

Mais pour Philippe, tous ces ravissements n’existaient pas. Depuis les douze ou quinze dernières années de sa vie, il avait eu peu de souci des changements de saison, si ce n’est par rapport à son livre d’échéances ou aux intérêts de ce monde commercial qui était tout pour lui dans sa vie. Maintenant, moins que jamais, il avait l’oreille aux chants des oiseaux, des yeux pour admirer l’éclat du soleil ou le feuillage des arbres doucement agité par la brise.

Il rentrait chez lui avec un vague sentiment du bruit et du mouvement qui se faisait autour de lui sur la grande route.