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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/207

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

était contre lui : d’autres hommes étaient entrés en ce monde dans un milieu aussi mauvais si ce n’est pire que celui où s’était trouvé son berceau, et quelques-uns étaient sortis de cette fange native aussi purs et aussi blancs que la neige nouvellement tombée. La force de caractère qui avait sauvé ces hommes ne lui avait pas été donnée. Ses pieds s’étaient trouvés engagés dans les chemins tortueux et il avait continué sa route, sans souci, avec une sorte d’orgueil, conscient à demi que la route qu’il suivait était mauvaise et que ses vêtements y ramassaient plus de fange qu’il n’aurait convenu à d’autres voyageurs.

Ce ne fut que lorsque la toute-puissante influence de l’amour agit sur sa nature que Haukehurst se réveilla complètement à la conscience de ce qu’il y avait de dégradant dans sa position et qu’il se sentit animé du désir de sortir du marais fangeux de la mauvaise compagnie. Alors, et seulement alors, commença la transformation qui devait finir par amener un changement complet. Quelque influence en dehors de celle de l’amour heureux, était encore nécessaire pour donner de la force au caractère de cet homme, et cette influence il l’avait trouvée dans la grande terreur des derniers trois mois de son existence. La vie de Valentin avait été ébranlée jusque dans ses fondations et il ne pouvait plus jamais être ce qu’il avait été.

Il s’était vu presque au moment de perdre Charlotte. Cela disait tout.

Il s’était vu presque enlever celle qui pour cet homme était père, mère, épouse, famille, passé, présent, futur, gloire, ambition, bonheur, tout, excepté ce Dieu qui plane au-dessus de nous et qui tenait la vie de celle qu’il aimait et son bonheur à lui, dans le creux de sa main.