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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/229

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

vous, et de faire de temps en temps un petit voyage à Paris pour me retremper, mais toutes ces espérances sont mortes maintenant. Cela me paraît un peu dur par moments, et je pense à Moïse, à ses quarante années passées dans le désert avec ses malheureux Hébreux, toujours prêts à la révolte et à adorer quelque veau d’or, s’il les perdait de vue pendant vingt-quatre heures. Tourbe de mendiants ingrats toujours prêts à se mutiner, de véritables radicaux, sur ma parole ! Et il supporta tout cela, le voyage à travers les sables du désert, les révoltes incessantes, et l’ingratitude ; et après quarante années de cette vie, quand enfin il aperçut la terre promise la mort vint le frapper ! J’ai comme lui traversé le désert, j’ai erré à travers les sables arides, ayant à souffrir de l’ingratitude des hommes auxquels j’ai rendu service, j’ai traversé tout cela, et au moment où j’entrevois la terre de Chanaan, le rideau baisse. »

Diana et Lenoble lui prodiguèrent leurs consolations et cherchèrent à remonter son courage en lui parlant d’une terre promise bien plus belle et bien plus brillante que Cotenoir.

« Oui, dit-il d’un air songeur, j’ai lu cela bien souvent. Une ville dont les maisons sont bâties avec le jaspe, le porphyre, l’émeraude et la sardoine, avec des portes de perles et dont les rues sont pavées d’or. Voilà ce que saint Jean a vu dans sa vision ; et nous n’avons qu’à le croire sur parole ; mais il y a quelque chose que je puis croire et comprendre. « Dans le royaume de mon père il y a de nombreuses demeures. » Il y a plus d’espoir pour le pauvre pécheur de ce monde, dans cette promesse, que dans tous les rêves de saint Jean sur les portes de perles et les édifices d’émeraudes. »