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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/256

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

« Nous avons partagé la mauvaise fortune, mon amour, dit-il tristement à sa fille, dans ces derniers jours, mais je ne suis pas appelé à avoir ma part dans votre prospérité. Eh ! bien, je pense que je n’ai pas le droit de m’en plaindre. Ma vie a été une vie d’erreurs, mais la pauvreté est la plus mauvaise compagne de voyage qu’un homme puisse avoir. Si j’étais né avec un revenu de six à sept mille livres, j’aurais été aussi ferme dans mes principes qu’un évêque, mais il fallait vivre, Diana, c’était la première nécessité et j’appris à m’arranger en conséquence. »

Qu’il eût commis des fautes, le capitaine était tout prêt à le reconnaître ; qu’il fût un grand pécheur, et qu’il eût grand besoin de repentir, voilà ce qu’il arrivait plus difficilement à comprendre. Mais parfois, dans le silence de la nuit, quand la faible lumière de la veilleuse, sur la muraille plongée dans l’ombre, était plus triste que l’obscurité complète, quand la garde-malade payée pour le veiller, sommeillait dans un bon fauteuil, la vérité se faisait jour à travers les ténèbres de son âme, Paget comprenait qu’il avait été un pécheur et un très-vil pécheur. Alors, pour un moment, le voile de son aveuglement se déchirait et il voyait sa vie passée, telle qu’elle avait été réellement, égoïste, malhonnête, cruelle outre mesure dans son insouciance du mal qu’il infligeait aux autres. Pour un moment, le livre fatal s’ouvrait à sa vue et le pécheur voyait l’effrayant total inscrit à côté de son nom.

« Comment effacer ce terrible compte ? se demandait-il. Le pardon est-il possible pour une vie aussi inutile qu’égoïste, pour une vie qui n’a été qu’une longue offense envers Dieu et les hommes. »

Dans ces longues nuits d’insomnie, le mourant son-