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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/257

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE
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geait beaucoup à la vie passée. Un doux et tendre visage lui revenait à la pensée et le regardait avec des yeux tristes et étonnés. Il savait maintenant que ses mensonges et ses actions déshonorantes avaient fait souffrir cette âme simple et bonne. Il se rappelait combien de fois elle avait essayé de défendre la cause de la justice, pendant qu’il tournait en ridicule les arguments et ne tenait aucun compte de ses tendres instances. Il se figurait qu’elle se mettait en hostilité contre lui, quand elle plaidait la cause de quelque créancier irrité ou de quelque humble logeuse abusée. Maintenant qu’une lumière qui n’avait rien de terrestre éclairait le tableau de sa vie passée, il pouvait voir et comprendre des choses, qu’il n’avait jamais vues ni comprises. Il comprenait maintenant que c’était dans son intérêt que plaidait cette femme fidèle et dévouée, dans son intérêt bien entendu qui avait plus de place dans son cœur, que celui des boulangers, des bouchers, des logeuses et des tailleurs.

« Elle aurait pu faire de moi un homme de bien, si je l’avais écoutée, se disait-il, je sais qu’elle est dans le ciel ; consentira-t-elle à plaider ma cause devant le trône suprême ? J’avais coutume de rire de son mauvais anglais, ou de m’emporter contre elle, la pauvre âme, quand elle voulait jouer à la dame, et qu’elle y échouait d’une façon si déplorable. Mais sa voix sera entendue quand les appels de la mienne seront vains. Chère âme, je me demande qui a pu lui apprendre à être si pure, si dépourvue d’égoïsme, si confiante et si fidèle ? Elle était chrétienne sans le savoir. Je te remercie, ô mon père, Souverain Maître du ciel et de la terre, d’avoir caché ces choses aux sages et prudents, pendant que tu les révélais à de simples enfants. »