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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/269

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

de circonstances fortuites, dont l’histoire serait presque aussi intéressante que celle du collier de diamants de Bœhmer ; les rideaux du salon avaient drapé les portières de la belle Lady Blessington et avaient été achetés pour une misère par Valentin après avoir passé par les mains de nombreux marchands et revendeurs ; les chaises Louis XIV recouvertes en tapisserie avaient appartenu à Mme de Sévigné et avaient meublé cette triste maison de campagne d’où elle écrivait ses lettres les plus étincelantes d’esprit et de gaieté, à son mauvais sujet de cousin, Bussy, comte de Rabutin : ces inestimables trésors avaient été découverts dans un petit passage derrière la rue Vivienne où le jeune couple s’était rendu bras dessus bras dessous pour choisir un chapeau, lors de leur premier voyage à Paris ; la pendule de la salle à manger venait du magasin du même marchand et elle avait été vendue avec la garantie qu’elle avait sonné les dernières heures que Maximilien Robespierre avaient passées dans son humble logement chez le menuisier ; l’encrier dans lequel Haukehurst trempait sa plume avait servi à Voltaire et le buvard sur lequel il écrivait avait appartenu à Balzac.

À ces fictions, plus ou moins plausibles, du revendeur, M. et Mme Haukehurst avaient prêté une oreille complaisante et il leur semblait que ces objets, qu’ils avaient peut-être payés un peu cher, prêtaient un charme nouveau à leur demeure.

L’arrangement et la surveillance de tous ces trésors donnaient du plaisir et de l’occupation à la pauvre Georgy, mais d’autre part elle considérait que la splendeur de son ancienne demeure de Bayswater, avec son mobilier tout neuf, était quelque peu supérieure à celle de tous ces objets d’art sortant des boutiques des revendeurs.