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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/277

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

la balance, Nancy avait lu ses desseins meurtriers dans les regards de cet homme qu’elle avait bravé si hardiment, et qui savait que son horrible complot était découvert.

Maintenant même qu’elle était en sûreté dans le port, elle ne pouvait oublier les regards sinistres qu’elle avait surpris dans les yeux de Philippe ; elle ne pouvait trouver une tranquillité parfaite, tant qu’elle ignorait où pouvait être cet homme et s’il ne tramait pas quelque méchant complot contre ceux qu’elle aimait.

Ses frayeurs se manifestaient de différentes façons. Quand elle lisait dans les journaux les détails de quelque acte de vengeance, elle pensait à son ancien maître et elle se demandait comment, dans un cas pareil, sa main fatale pourrait se révéler.

Il pouvait, par quelque nuit sombre, attendre Valentin sur la route obscure et solitaire qu’il suivait pour se rendre de la station du chemin de fer à Charlottenbourg ; elle se figurait l’angoisse de terreur de la jeune femme quand les heures se passaient et qu’elle ne voyait pas revenir son mari ; elle se peignait l’indicible horreur qui s’emparerait de tous dans cette heureuse maison, lorsqu’arriverait la nouvelle que son jeune maître avait été trouvé sur la route solitaire, frappé à mort par une main inconnue.

Elle était trop sage pour exprimer ouvertement ses frayeurs, mais elle signalait à Haukehurst les dangers que pouvait présenter cette route solitaire, et elle le suppliait de porter une arme sûre qui lui permît de sortir victorieux des chances d’une attaque.

Valentin riait de ses avertissements, mais quand Charlotte se mit de la partie, il fut heureux de la satisfaire en faisant l’achat d’une lourde canne qu’il bran-