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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/276

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

qu’un démon était déchaîné et qu’on ne pourrait avoir ni paix ni sécurité, tant que l’esprit malin n’aurait pas été exorcisé et replongé dans les profondeurs de l’abîme sans fond.

Ces sentiments et ces frayeurs ne se seraient guère éveillés dans le cœur de la vieille femme, si elle avait été seule exposée aux mauvais desseins de cet être malfaisant.

Pour elle-même, elle avait peu de crainte. Sa vie touchait à son terme, et peu lui importait que quelque main criminelle vînt abréger le nombre du peu de jours qu’il lui restait à vivre. Mais un nouvel intérêt dans la vie avait pris naissance pour Nancy au moment où elle voyait sa fin plus prochaine.

Ce bel enfant, le fils et l’héritier des Haukehurst, avait été confié aux soins de la vieille gouvernante, et cet enfant elle l’aimait d’une affection plus vive que celle qu’elle avait ressentie autrefois pour ce Philippe qui lui avait été si cher.

C’était auprès du berceau de cet enfant, sur lequel elle veillait comme sur un trésor, qu’elle entretenait la crainte que lui inspirait son ancien maître. Elle savait qu’il y avait eu lutte pour déjouer ses complots, et qu’il avait été ignominieusement battu dans l’effroyable partie qu’il avait jouée si hardiment. Et elle se demandait s’il était homme à accepter une aussi complète défaite, sans tenter un effort pour se venger de ceux qui avaient fait échouer tous ses desseins.

Lors de cette nuit pendant laquelle Charlotte luttait entre la vie et la mort contre les effets du poison lent qui lui avait été administré et la médication énergique employée pour combattre l’élément empoisonné, pendant cette nuit où sa précieuse existence tremblait dans