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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/279

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

demeurer dans sa maison. Elle ne lui aurait pas donné l’occasion de cette cruelle indignation qui lui déchirait le cœur, et des écrits comme ceux de Swift ne peuvent être produits que par un homme qui a le cœur déchiré. Non, ma chérie, je ne serai jamais un Swift ou un Junius, tant que votre jolie tête se montrera dans ma chambre une ou deux fois par heure, mais je puis espérer faire un peu mieux, si vos beaux yeux m’inspirent de brillantes pensées et si votre innocent sourire enfante chez moi d’agréables conceptions. »

Tout cela se terminait habituellement par des démonstrations d’affection, et Charlotte trouvait que son mari était le plus savant et le plus admirable des hommes ; après quelque douce flatterie, elle le favorisait de quelque intéressante communication au sujet de la dernière dent du baby, ou de la conduite répréhensible de la nouvelle femme de chambre, qui avait eu une altercation avec Mme Woolper.

Ainsi occupée par de simples plaisirs et de tranquilles travaux, la Vie de M. et de Mme Haukehurst se passait sans frayeur du misérable chargé de crimes dont l’image persécutait Nancy dans ses rêves et ses méditations.

Pour les deux époux, Sheldon était comme s’il n’était plus de ce monde.

Charlotte n’avait jamais su la vérité, mais avec le temps, on lui avait donné à entendre qu’il avait commis quelque grande faute impardonnable qui devait pour jamais le séparer de sa mère. Voilà tout ce qu’on lui avait dit, et elle n’avait pas cherché à en savoir davantage. Elle avait accepté le fait sans faire de questions.

« J’en suis très-fâchée pour lui, et pour maman, » dit-elle.