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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/290

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

par la ruse, par la dégradation du mendiant ou l’audace du voleur ; il n’y avait pas de limites d’infamie jusqu’à laquelle il n’eut été. Vil entre les vils, il avait été chassé des lieux hantés par les mendiants et les scélérats comme indigne de rester dans la compagnie d’honorables voleurs ou d’honnêtes mendiants.

George s’assit à cheval sur une chaise, et, les bras croisés sur le dossier, contempla ce hideux spectacle.

C’était un tableau qu’il n’avait jamais cru voir, et le sentiment qu’il lui faisait éprouver, n’était pas sans mélange de plaisir.

« Quand vous me faisiez sentir trop durement l’aiguillon, je songeais au plaisir que j’aurais à vous rendre la pareille, dit-il, mais jamais je n’avais pensé qu’une occasion semblable se présenterait ; jamais… de par Dieu ! Je croyais que vous resteriez sur vos grands chevaux jusqu’à la fin du voyage ; je ne pouvais penser que jamais ils vous précipiteraient dans le ruisseau. Ainsi donc, vous avez fait tous les métiers, n’est-ce pas ? Et vous êtes tombé sur tous les théâtres ? Et vous avez trouvé que votre habileté n’était d’aucun secours de l’autre côté de l’Atlantique ? Et vous êtes revenu exhaler vos plaintes devant moi ? Et il faut que je vous assiste, que je vous fournisse les moyens de recommencer votre vie, que je vous prenne pour clerc ou pour associé, n’est-ce pas ? ce qui vaudrait mieux. MM. Sheldon et Sheldon ne feraient pas mal sur ma porte. C’est là ce que vous voulez dire quand vous me parlez du sang qui est plus épais que l’eau, n’est-ce pas ! »

Le misérable qui avait été autrefois Philippe Sheldon, sentit que son frère se moquait de lui, qu’il savourait jusqu’à la lie la coupe du triomphe que la fortune avait offerte à ses lèvres.