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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/97

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Arrêtez ! s’écria Burkham abandonnant tout à coup ses efforts inutiles pour paraître calme. A-t-il… M. Sheldon, a-t-il quelque intérêt à la mort de sa belle-fille ?

— Non, certainement non. Tout l’argent de son père lui est échu par suite de son mariage avec sa mère. Il n’a rien à gagner à sa mort, au contraire, il a beaucoup à perdre car elle est appelée par la loi à recueillir une grande fortune.

— Et si elle meurt, cette fortune ira…

— En réalité, je ne sais à qui elle passera, » répondit Valentin avec insouciance.

Dans sa pensée cette question n’était pour rien dans l’agitation de Burkham et c’était la cause de cette agitation qu’il était désireux de connaître.

« Si M. Sheldon a quelque chose à gagner à la mort de sa belle-fille, craignez-le, s’écria le médecin avec une soudaine véhémence. Craignez-le comme la mort elle-même, plus que la mort, car la mort n’est ni aussi sournoise, ni aussi traîtresse que lui !

— Au nom du ciel, que voulez-vous dire ?…

— Ce que je pensais que mes lèvres ne révéleraient jamais à nul être vivant, ce que je n’osais pas déclarer publiquement, au risque d’enlever leur pain à ma femme et à mes enfants. J’ai gardé cet odieux secret pendant onze ans… pendant onze ans il m’a torturé le jour, il m’a fait des nuits sans sommeil. Je vous le dirai, car si une autre existence doit être perdue, je ne veux pas que cela soit par ma lâcheté.

— Quel secret ? s’écria Valentin.

— Le secret de la mort de ce pauvre homme. Mon Dieu ! je me rappelle encore la pression de sa main, le