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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/147

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LA FEMME DU DOCTEUR

la main sur le poignet du médecin et parlant d’une voix presque solennelle, — épouser une jolie fille ne paraît pas plus grave à certains hommes que de cueillir une rose sauvage dans une haie, tant ils y apportent de légèreté et d’insouciance. Ils la cueillent parce qu’elle paraît jolie. Moi, je connaissais ma Tilly depuis six ans avant que de lui demander de m’épouser, Master George ; et c’est seulement parce qu’elle me fut fidèle tout ce temps, et parce que, de quelque façon que je m’y prisse, je ne lus jamais que l’amour sur son visage, que je me dis enfin à moi-même : « William Jeffson, voici une jeune fille qui fera une bonne épouse pour toi. » Ne vous pressez pas, Master George, ne vous pressez pas. Écoutez les conseils d’un pauvre diable ignorant qui possède un grand avantage sur toute votre science, car il est en ce monde depuis le double du temps que vous y avez passé ! ne vous pressez pas. Si Mlle Sleaford vous aime véritablement ce soir, elle vous aimera bien davantage dans un an, et encore plus dans dix ans. Si elle ne vous aime pas, Master George, gardez-vous-en comme d’un serpent venimeux, car elle vous fera plus de mal que quoi que ce soit, en vous piquant au cœur et en vous tuant sans rémission. J’ai vu Joë Tillet étendu mort après l’enquête qui fut faite sur son corps, Master George : et la pensée que le pauvre homme s’était tué de désespoir me fit moins de mal que la vue des souffrances qui se lisaient sur son visage, — souffrances qu’il avait endurées près de deux années, Master George, et sans en jamais ouvrir la bouche à personne !