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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/148

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LA FEMME DU DOCTEUR.

CHAPITRE IX.

LA PROMESSE DE Mlle SLEAFORD.

Isabel était « fiancée. » Elle se le rappela en se réveillant le matin qui suivit la charmante journée passée dans le parc de Hurstonleigh, et elle se dit qu’à partir de ce moment, il y aurait de par le monde une créature qui souffrirait à cause d’elle. Voilà quelles étaient ses pensées, pendant qu’elle se tenait devant le modeste miroir, nouant les longs bandeaux de sa chevelure en une touffe énorme trop pesante pour sa tête. Sa vie était fixée. Elle n’était pas destinée à être grand poète ou actrice célèbre. Le manteau tragique des Siddons pouvait reposer sur ses jeunes épaules, mais elle ne devait pas en déployer les sombres plis sur un théâtre humain. Elle ne devait être grande en aucune façon. Elle ne devait rien être que la femme d’un médecin de province.

C’était assurément très-ordinaire ; mais néanmoins cette jeune fille sans famille, sans éducation, sans amis, ressentait quelque orgueil de sa position nouvelle. Après tout, elle avait lu plus d’un roman dont le dénoûment était aussi modeste — trois volumes d’une cour simple, terminée, au dernier chapitre, par un mariage tranquille. Elle ne devait être ni une Édith Dombey, ni une Jane Eyre. Oh ! être Jane Eyre, errer dans la lande froide et nue et souffrir de la faim. — ceci n’eût-il pas été plus délicieux !

Non, sa vie ne devait contenir qu’un très petit nom-