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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/165

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LA FEMME DU DOCTEUR
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lui semblait être en visite et par conséquent dans l’impossibilité de lire. Elle soupirait en passant devant la boutique de librairie de la promenade à la mode où elle voyait affichés devant la porte les titres des nouveaux romans ; mais elle n’avait pas le courage de dire ce que trois volumes de littérature légère lui causeraient de plaisir. George n’était pas un liseur. Il lisait les feuilles locales et parcourait le Times, après le déjeuner, puis c’était tout pour le reste de la journée. Pendant cette semaine passée à Murlington, il y eut deux jours de pluie ; les jeunes époux eurent donc tout le temps de mesurer leur talent de conversation réciproque pendant qu’ils se tenaient debout dans l’embrasure de la haute fenêtre, guettant les rares passants et comptant les gouttes d’eau qui venaient frapper les vitres.

Cette semaine se termina enfin, et par une après-midi pluvieuse, un samedi, George paya sa note à l’hôtel. Le billet de dix livres avait très bien rempli son rôle, car les idées du jeune époux ne s’étaient jamais aventurées au delà d’une pinte de sherry pour arroser le modeste repas que le discret garçon servait à ces hôtes naïfs avec une charitable condescendance pour leur jeunesse et leur simplicité. Gilbert paya la note pendant qu’Isabel empaquetait ses vêtements et ceux de son mari, — vêtements bien prosaïques, hélas ! — bottines à double semelle et hardes économiques en gros drap gris. Puis, lorsque tout fut prêt, elle se mit à la fenêtre en attendant l’omnibus qui devait la conduire à son nouveau logis. Murlington n’est qu’à dix milles de Graybridge et le trajet d’une ville à l’autre s’accomplit dans un vieil omnibus, — voiture obscure, très basse, percée d’une portière