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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/166

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LA FEMME DU DOCTEUR.

étroite et ne recevant le jour que par deux uniques fenêtres latérales.

Isabel poussa un profond soupir en apercevant la voiture dans la rue déserte. Cette journée triste et humide, la solitude, les maisons inhabitées (car ce n’était pas encore la saison pour Murlington) n’étaient ni aussi tristes, ni aussi désolées que sa vie lui paraissait ce jour-là. Devait-il donc en être à jamais ainsi ? Oui, elle était mariée, et l’histoire était terminée ; sa destinée était irrévocablement fixée et déjà elle en ressentait l’ennui. Mais elle pensa à sa nouvelle demeure et aux petits plans qu’elle avait faits mentalement avant son mariage, aux changements et aux améliorations qu’elle avait projetés pour l’ornement de la maison de son mari. Mais, d’une manière ou d’une autre, ces idées mêmes, qui avaient occupé ses rêveries de jeune fille, semblèrent se fondre et disparaître en cet instant. Elle en avait parlé à George, et il avait accueilli ses plans d’un air peu encourageant, donnant à entendre qu’il faudrait beaucoup d’argent pour les mettre à exécution, bien qu’ils fussent très-simples et qu’ils n’exigeassent pas grande dépense.

Sa vie ne devait-elle donc rien contenir ? Elle était mariée depuis une semaine à peine et déjà, tandis qu’elle était debout dans l’embrasure de la fenêtre, écoutant le crépitement de la pluie incessante, elle commença à penser qu’elle s’était fourvoyée.

L’omnibus arriva enfin à la porte ; elle y monta et son mari s’assit dans l’obscurité à côté d’elle. Il n’y avait qu’un voyageur dans la voiture, — un fermier enveloppé dans un si grand nombre de pardessus que l’humidité extérieure lui importait peu, puisqu’elle ne gênait que ses voisins. Il essuya ses chaussures