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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/295

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LA FEMME DU DOCTEUR

livres. Lansdell les repoussa du banc et les jeta ignominieusement dans les hautes herbes qui croissaient dessous. Isabel les vit tomber et fit entendre une légère exclamation de surprise.

— Vous m’avez apporté… — commença-t-elle.

Mais à son étonnement, Roland l’arrêta d’un coup d’œil sévère et se mit à parler de la cascade et des truites qu’on pouvait pêcher un peu plus bas pendant la saison. Lansdell avait plus d’expérience que la femme du médecin et il savait que les livres qu’il avait apportés à son intention pouvaient faire penser à un rendez-vous. Il n’y avait pas eu rendez-vous assurément ; mais le hasard pouvait faire qu’Isabel se trouvât sous le chêne de lord Thurston. N’y allait-elle pas tous les jours alors que Lansdell errait dans l’archipel grec, ou qu’il prenait des glaces sous les colonnades de Venise ? Était-il donc étonnant qu’elle s’y rendît maintenant ?

J’ennuierais le lecteur si je rapportais tout ce qui fut dit pendant cette matinée. Ce fut une ravissante journée, une longue pause délicieusement nonchalante au milieu des tracas de l’existence. Roland ne tarda pas à reconnaître une vieille connaissance dans Sigismund et les deux jeunes gens causèrent gaiement de ces jours d’enfance écoulés à Mordred. Ils causèrent agréablement de toutes choses. Lansdell devait avoir à cette bienheureuse époque un attachement profond pour Sigismund, si l’on jugeait du passé par le présent ; car il accueillit son ancien camarade avec une véritable effusion et proposa une suite quasi royale de plaisirs champêtres, pendant la semaine que Sigismund devait passer à Graybridge.

— Nous ferons un repas sur l’herbe, — dit-il. — Vous vous rappelez qu’il en a été question, madame