Aller au contenu

Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
31
LA FEMME DU DOCTEUR

— Non, ils me rendent malheureuse, mais… — elle hésita un peu, — mais j’aime cette souffrance-là. Je la préfère au bonheur monotone de la vie terre à terre.

George regarda avec surprise le visage animé de la jeune personne qui s’éclaira en un moment et devint rayonnant comme un transparent, qui semble une peinture confuse jusqu’au moment où l’on place une lampe derrière. Le jeune médecin se borna à regarder d’un air surpris la fille de Sleaford, car il ne comprenait pas un traître mot de la conversation. Il ne pouvait que regarder ce pâle visage sur lequel tremblaient et passaient de faibles rougeurs semblables aux reflets rosés de l’horizon au coucher du soleil. George vit qu’Isabel avait de grands yeux noirs, comme son frère, mais d’une expression toute différente, car ils étaient doux et rêveurs, très-couverts, et ne s’éclairant que faiblement dans les profondeurs des pupilles très-larges. D’un naturel très-tranquille et peu causeur, George eut tout le loisir d’étudier le visage de la jeune fille pendant qu’elle causait avec le pensionnaire de sa mère, avec lequel elle paraissait être en relations cordiales, presque fraternelles. George n’était pas un enthousiaste et il contemplait Mlle Sleaford sans plus d’émotion que s’il eût regardé une belle statue dans un musée. Il vit que ses traits étaient petits et délicats, qu’elle avait le visage pâle, et que ses grands yeux noirs suffisaient pour lui donner une sorte de beauté étrange et mélancolique, qui devenait gracieuse et affable lorsqu’elle souriait.

George ne vit pas toutes les particularités de la beauté d’Isabel parce qu’il était simplement un excel-