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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/36

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LA FEMME DU DOCTEUR.

lent garçon doué d’une intelligence des plus ordinaires et que la beauté d’Isabel était essentiellement poétique et ne pouvait être comprise que par un poète. Mais il se dit vaguement qu’elle était de celles qu’on trouve jolies, et il se demanda pourquoi ses yeux prenaient la couleur de l’or bruni lorsque la lumière les éclairait en plein, et la teinte la plus foncée lorsqu’ils étaient ombragés par leurs cils noirs.

George fut moins impressionné par la beauté de Mlle Sleaford que par la différence qui existait entre elle et toutes les femmes qu’il avait vues jusque-là. Je pense qu’en cela reposait le charme principal de la jeune fille, charme qui méritait de lui attirer les hommages d’un roi. Elle ne ressemblait à personne. La beauté qui lui était propre n’était pas l’apanage de cent autres jolies filles. La voir une fois suffisait pour se la rappeler toujours, si jamais vous rencontriez visage humain qui vous rappelât le sien.

À la prière de Sigismund, elle ferma le livre tout à fait et accompagna les deux jeunes gens pour faire à George les honneurs du jardin. Mais elle emporta tendrement sous son bras le volume éraillé, et parfois elle tombait dans un silence rêveur comme si quelque mystérieuse faculté de seconde vue lui eût permis de lire les pages cachées.

Sur ces entrefaites Horace arriva en courant et invita les promeneurs à se rendre à la maison, où le thé les attendait.

— Les enfants prennent le leur à la cuisine, — dit-il. — et les grandes personnes dans le parloir.

Trois petits garçons survinrent comme il disait ces paroles, et l’un après l’autre tendirent une patte sale à Gilbert. Ils avaient enlevé un cerf-volant, avaient