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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/108

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LA FEMME DU DOCTEUR.

pensé à ces quarante années, contenant chacune trois cent soixante-cinq jours, que vous passerez en compagnie d’un homme que vous n’aimez pas… d’un homme avec lequel vous n’avez pas une pensée en commun ? Pensez-y, Isabel ; puis, si vous m’aimez, pensez à la vie que je vous offre, et choisissez.

— Je n’ai qu’un choix à faire, — répondit Mme Gilbert d’une voix triste et sourde ; — je serai très-malheureuse, sans doute, mais je remplirai mes devoirs près de mon mari et… je penserai à vous !

— Ainsi soit-il ! — s’écria Lansdell en poussant un profond soupir. — En ce cas, adieu.

Il tendit la main, et Isabel tressaillit à la froideur de cet attouchement.

— Êtes-vous fâché contre moi ? — demanda-t-elle d’un ton plaintif.

— Je n’ai pas le droit d’être fâché contre personne, sinon contre moi-même. Je ne crois pas que vous ayez l’intention de mal faire ; mais vous m’avez causé la douleur la plus grave qu’une femme puisse infliger à un homme. Je n’ai rien à vous dire, sinon adieu. Par pitié, allez-vous-en et laissez-moi à ma solitude.

Après cela, rien ne pouvait la retenir auprès de lui ; aussi s’éloigna-t-elle très-lentement, effrayée et chagrine. Mais quand elle eut fait quelques pas dans le sentier sous les arbres, elle sentit qu’elle ne pouvait le quitter ainsi. Elle devait le revoir encore une fois, s’assurer s’il était fâché ou non contre elle.

Elle retourna lentement vers l’endroit où elle l’avait laissé, et le trouva couché tout de son long sur l’herbe, le visage caché sur ses bras croisés. Avec un soudain instinct de chagrin et d’effroi, elle devina qu’il pleu-