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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/12

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LA FEMME DU DOCTEUR.

L’homme s’inclina et s’éloigna ; et il put pester à voix basse en empaquetant les chemises et les gilets, tandis que Roland entrait dans son cabinet pour écrire ses lettres.

Combien cette pièce semblait triste ! quel vide et quel désert ! La chose pour lui n’était pas nouvelle de trouver déserts ses somptueux appartements et de rester seul dans le silence, à rêver sur ses livres, pendant que les autres habitants du logis se livraient au repos. La chose n’était pas nouvelle pour lui de se trouver seul et cependant, ce soir-là, il sentait cet isolement aussi cruellement qu’un jeune veuf qui pleure la perte récente d’une épouse adorée. Ne s’était-il pas complu à rêver une existence toute différente de la sienne ? Il avait peuplé la chambre déserte d’une vision qui l’avait rendue resplendissante, et maintenant se rappelant qu’un rêve n’est, après tout, qu’un rêve, à jamais irréalisable, il ressentait une douleur presque aussi aiguë que s’il avait pleuré une morte.

Les lettres qu’il avait à écrire se trouvèrent n’être qu’une seule et unique lettre, ou plutôt une douzaine de variations sur le même thème, qu’il déchira, l’une après l’autre, presque aussitôt qu’il les eut écrites. Il n’était pas dans ses habitudes de se montrer puriste dans la rédaction de ses lettres, mais, cette nuit-là, rien de ce qu’il écrivait ne le satisfaisait. Il écrivait à Mme Gilbert ; oui, à elle ! Pourquoi ne lui écrirait-il pas quand il partait le lendemain matin ; quand il allait sacrifier le rêve brillant et indécis dont il s’était bercé, sur l’autel du devoir et de l’honneur ?

— Je n’ai pas grande valeur, — disait-il, fidèle à son système d’excuser sans cesse ses fautes, en se ravalant à ses propres yeux. Je n’ai jamais prétendu