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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/157

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LA FEMME DU DOCTEUR

bouche. Réduire son fiancé à l’état de momie et l’exhiber en cet état aux regards admirateurs de la foule pendant toute une soirée était considéré, à Graybridge, comme le dernier mot de l’art.

Tout le monde, dans cette petite ville du Midland, savait que Mlle Burdock et M. Pawlkatt étaient fiancés, et le monde estimait qu’Augustus Pawlkatt avait fait une bonne affaire en devenant le fiancé d’une jeune femme qui devait avoir quatre mille livres sterling de dot, strictement réservées à son propre usage et entretien.

L’idée d’être fiancée et d’avoir de la fortune contribuait à rendre Sophronia spécialement aimable pour tout le monde, à l’exception de l’infortuné futur. Isabel était-elle seule et retournait-elle à pied à Graybridge ?

— Dans ce cas, alors, il faut que vous veniez avec nous ! — s’écria Mlle Burdock, dans l’intention de montrer l’infortuné Augustus dans son état de pétrification ambulante.

Que pouvait dire Mme Gilbert, sinon qu’elle serait ravie de revenir en leur compagnie ? Elle pensait à lui ; elle cherchait sa tête altière qui devait dominer au-dessus de la foule. Il allait sans dire qu’elle devait dominer au-dessus de cette foule et de toutes les foules ; mais elle ressemblait fort à cette fameuse flotte espagnole dont on parle dans la Critique, en ce sens qu’elle ne pouvait la voir par la raison que son possesseur n’y était pas. Elle partit avec Mlle Burdock et ses compagnons et se dirigea en quittant le cimetière vers le chemin agreste qui conduisait à Graybridge à travers champs. Ils avançaient d’une manière cahotée et désagréable, parce que Sophronia refusa résolûment