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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/182

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LA FEMME DU DOCTEUR.

de Chantal écrira des lettres pieuses et brumeuses à un saint François de Sales, ou si elle mettra son âme en danger pour l’amour d’un amant terrestre.

CHAPITRE XXXI.

CINQUANTE LIVRES STERLING.

Après la scène dans l’église d’Hurstonleigh, Roland retourna à Mordred pour penser avec plus d’amertume encore à la femme qu’il aimait. Cette silencieuse entrevue, — l’aspect de ce visage pâle, profondément mélancolique, d’une rigidité de statue dans son expression de résignation douloureuse, — n’avait exercé aucune influence calmante sur l’esprit de ce jeune homme, qui ne pouvait comprendre pourquoi le seul trésor qu’il désirait lui était refusé. Il ne pouvait être généreux ou juste envers la femme qui l’avait leurré de fausses espérances, puis abandonné à son désespoir ; il ne pouvait s’apitoyer sur la puérile créature qui avait marché inconsciente sur les bords fleuris d’un gouffre hideux, et qui s’était enfuie, stupéfiée et pleine d’horreur, au premier coup d’œil jeté sur les profondeurs béantes de l’abîme. Non ; sa colère contre Isabel n’aurait pas pu être plus intense si elle avait été une coquette habile et sans cœur qui aurait comploté sa ruine de propos délibéré.

— Il est probable que c’est là ce que le monde appelle une femme vertueuse, — s’écriait-il amèrement. — Sans doute Lucrèce était une femme de ce genre ; elle baissait les yeux pour montrer la longueur de ses