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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/198

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LA FEMME DU DOCTEUR.

— Alors il faut que je vous fasse mes adieux ce soir, — dit-elle.

— Oui, nous ne nous reverrons probablement pas. Bonsoir et adieu. Peut-être quelque jour, lorsque je serai un vieillard radoteur, racontant à mes amis les mêmes anecdotes chaque fois que je dînerai avec eux, reviendrai-je dans le Midland et trouverai-je M. Gilbert médecin en renom à Kilmington, favori des vieilles dames et faisant ses visites en voiture… jusque-là, adieu.

Il garda la main d’Isabel quelques minutes, — sans la presser même légèrement, — la tenant simplement comme s’il tenait dans cette frêle étreinte le dernier fil qui l’attachât à l’amour et à la vie. Isabel le regardait avec étonnement. Combien cet adieu était différent de cette entrevue passionnée sous le chêne de lord Thurston, pendant laquelle il s’était roulé par terre et avait pleuré à la douleur d’être séparé d’elle ! Évidemment les mélodrames qu’elle avait vus au théâtre de Surrey étaient des images fidèles de la nature. Rien n’était plus éphémère que l’amour du méchant châtelain.

— Encore un mot, madame Gilbert, — dit Roland après un court silence : — votre mari connaît-il la personne qui vous demande cet argent ?

— Non… je… je lui aurais tout dit… je crois… et je lui aurais demandé l’argent s’il n’avait pas été malade ; mais il a besoin du plus grand calme.

— Il est très-malade… votre mari est malade ?

— Oui… je croyais que tout le monde le savait. Il est très… très-malade. C’est ce qui a fait que je suis venue si tard. Je suis restée auprès de lui toute la journée. Bonsoir.