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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/200

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LA FEMME DU DOCTEUR.

CHAPITRE XXXII.

« JE NE VEUX CROIRE QU’À L’HONNÊTETÉ DE DESDÉMONE. »

— Veillez à ce qu’on envoie des raisins et un ananas à M. Gilbert, à Graybridge, — dit Roland à son valet de chambre, le matin du jour qui suivit la visite d’Isabel. — J’ai appris avec peine hier soir, par sa femme, qu’il est sérieusement malade.

Le valet, très-affairé en ce moment-là à brosser un chapeau, sourit doucement dans sa barbe en entendant les paroles de son maître. Le châtelain du Prieuré de Mordred aurait pu aussi bien ne pas souiller sa conscience d’aucune phrase hypocrite au sujet du médecin de Graybridge.

— Je parierais volontiers une année de mes gages que si son mari meurt il l’épouse dans les six mois, — dit le domestique de Roland en prenant sa seconde tasse de café. — Jamais de ma vie je n’ai vu un jeune homme aussi amoureux.

Un changement se fit dans la nature des rêves de Lansdell. Cette pensée, cette pensée vile et cruelle, qui n’était pas venue à l’idée d’Isabel, ne put quitter le cœur de Roland après cette entrevue nocturne dans son cabinet. Quoi qu’il fît, malgré l’énergie avec laquelle il repoussa la tentation honteuse, bien qu’il ne fût pas méchant et qu’il eût encore du cœur, il ne pouvait se défendre de penser à ce qui pourrait arriver si… si… la Mort, qui tient dans ses mains déchar-