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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/22

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LA FEMME DU DOCTEUR.

ment ; je désire seulement reposer ; je dormais lorsque vous avez frappé.

Misérable mensonge qu’elle faisait là ! comme si elle pouvait espérer dormir maintenant !

— Mais, Izzie, — dit Gilbert, — tu n’as pas dîné. Nous avons de l’agneau froid et une salade qui nous attend après le service. Tu descendras dîner, n’est-ce pas ?

— Non, non, je n’ai pas faim. Je vous en prie, laissez-moi seule. Je ne désire que le repos, — répondit-elle d’un ton lamentable.

L’excellent George était loin de se douter de l’effort horrible que sa femme avait fait pour prononcer ces phrases si courtes sans éclater en sanglots. Elle enfouit de nouveau son visage dans les oreillers au moment où elle entendit son mari descendre doucement l’étroit escalier. Elle était bien malheureuse, bien folle. Ce n’était qu’un rêve — rien qu’un rêve — qu’elle venait de perdre. Encore une fois, ignorait-elle que Roland partirait et que toutes ses rêveries et ses fantaisies brillantes partiraient avec lui ? Ne s’attendait-elle pas à ce départ ? Sans doute ; mais au mois de novembre et non pas en septembre ; et surtout pas un jour qui aurait pu être si heureux.

— Quelle cruauté !… quelle cruauté !… — pensait-elle. — Quelle cruauté à lui de partir ainsi, sans même dire adieu, sans dire même qu’il regrette de partir. Et moi qui me figurais qu’il trouvait plaisir à causer avec moi ; je me figurais qu’il était heureux de me voir de temps en temps et qu’il verrait avec déplaisir s’approcher le moment du départ. Mais penser qu’il s’en va deux mois avant l’époque qu’il avait indiquée, — penser qu’il ne regrette même pas ce départ !