Aller au contenu

Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
217
LA FEMME DU DOCTEUR

vue… Et de plus cette indigne intrigue est tombée dans le domaine public. Gwendoline n’aurait pas osé dire ce qu’elle a dit ce soir sans avoir de bonnes raisons pour parler ainsi. Il n’y a que moi, — moi qui ai vécu en dehors du monde pour penser à elle et rêver d’elle, — il n’y a que moi qui sache le dernier la honte qu’elle s’est attirée. Mais, néanmoins, je vais essayer de voir cet individu. Je ne serai pas fâché de voir l’homme qui m’a été préféré.

Le Ravin de Nessborough était assez éloigné de Lowlands. Lansdell qui connaissait le moindre recoin de son pays natal, s’y rendit en suivant des sentiers ombragés, des chemins de traverse rarement fréquentés, où les fleurs des champs exhalaient leurs parfums légers sous les caresses de la rosée nocturne. Jamais cieux plus étincelants n’avaient brillé sur un pays plus enchanteur. Les frondaisons et les taillis, les longues herbes faiblement agitées par une paresseuse brise d’été produisaient un murmure perpétuel qui rompait à peine le calme général ; de temps en temps les notes éclatantes d’un rossignol raisonnaient sous les massifs de verdure qui se détachaient en noir au-dessus des haies serrées ou au milieu de vastes prairies éclairées par la lune.

— Je voudrais bien savoir ce qui empêche les hommes d’être heureux, — pensait Lansdell, impressionné malgré lui par la tranquille beauté du paysage.

Si arbitraire que soit notre nature, nous ne pouvons nous défendre absolument de l’influence extérieure, quelques efforts que nous fessions. Fagin ne pensait-il pas à la balustrade rompue pendant qu’il était devant ses juges, et ne se demandait-il pas qui la