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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/220

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LA FEMME DU DOCTEUR.

Et cependant, ce matin encore, j’avais foi en elle. Je pensais que cet argent était destiné à un parent. Un parent !… Quel parent pourrait-elle aller voir, seule, secrètement, à une heure avancée, dans un endroit comme le Ravin de Nessborough ? Elle qui jamais, pendant toute la durée de nos relations, n’a prononcé le nom d’un être vivant lui étant apparenté, à l’exception de celui de sa belle-mère ! et, tout à coup, il survient quelqu’un… quelqu’un à qui il faut cinquante livres, non pas sous forme d’un chèque qui pourrait servir à retrouver la personne qui l’encaisserait. Je n’ai pas oublié cette circonstance ; je n’ai pas oublié qu’elle a refusé le chèque que je lui offrais pour la somme qu’elle désirait. Rien que cela suffirait pour donner un air de mystère à l’affaire, et le rendez-vous surpris par Raymond explique le reste. Cet individu est quelque ancien amant ; un admirateur oublié d’une époque écoulée qui survient maintenant menaçant et dangereux, et qui ne consent à s’éloigner qu’à prix d’argent. Oh ! honte ! honte ! honte sur elle ! honte sur ma folie ! Et moi qui la prenais pour une enfant naïve qui avait brisé le cœur d’un homme par ignorance !

Il marchait lentement, cette fois, la tête baissée, ne cherchant plus à couper court à travers les taillis, mais suivant machinalement un sentier serpentant, tracé par les pieds paresseux dès paysans sur l’herbe.

— Pourquoi désiré-je tant voir cet homme ? — pensait-il. — Que puis-je découvrir que je ne sache déjà ? S’il existe un homme au monde dans la parole duquel je puisse avoir confiance, c’est Raymond. Il serait le dernier à calomnier cette malheureuse femme ou à se laisser aveugler par un préjugé ; mais il l’a vue, il l’a