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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/230

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LA FEMME DU DOCTEUR.

et il éparpilla dans l’air une pluie de verdure. Il n’avait pas d’armes ; il n’avait rien que son bras droit pour frapper l’étranger à large poitrine et à barbe noire. Mais il ne s’arrêta pas à ces détails ; il ne pesa pas les chances de la lutte. Il savait seulement qu’il voulait tuer l’homme pour qui Isabel l’avait repoussé et trahi. Une minute après, ses mains serraient la gorge de l’étranger.

— Misérable — cria-t-il d’une voix rauque, — lâche coquin, d’entraîner cette femme ici !

Il y eut une lutte d’un instant, puis l’étranger se délivra de l’étreinte de Lansdell. Il n’y avait pas de comparaison à faire entre la force physique et la taille de ces deux hommes, et l’inégalité était sensiblement accrue par une énorme canne à tête plombée que tenait l’étranger à barbe noire.

— Holà ! — s’écria l’homme, qui paraissait avoir peine à prendre au sérieux l’attaque de Lansdell ; sortez-vous par hasard d’une maison de santé des environs, mon bon ami ; que vous courez la campagne et vous jetez de la sorte à la gorge des passants ? Qu’est-ce qui vous prend ? Est-ce que, par hasard, un marin ne peut pas se permettre une promenade au clair de la lune, une fois par hasard, avec sa fille, pour lui souhaiter le bonsoir avant de se rembarquer, sans que vous meniez si grand bruit ?

— Votre fille !… — s’écria Roland. — Votre fille ?…

— Oui, ma fille Isabel, femme de M. Gilbert, médecin.

— Dieu soit loué ! — murmura Roland lentement, — Dieu soit loué !

Une angoisse de remords lui étreignit le cœur en pensant au peu de valeur réelle de son amour, avec