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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/231

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LA FEMME DU DOCTEUR

quelle promptitude il l’avait crue coupable ; avec quelle facilité il avait accepté l’idée de sa dégradation.

— J’aurais dû savoir, — pensait-il, — j’aurais dû savoir qu’elle était innocente, quand même tout le monde eût été réuni contre elle, j’aurais dû me faire son champion et son défenseur. Mais mon amour n’est après tout qu’une misérable passion. L’or s’est changé en cuivre au feu de la première épreuve.

Voilà ce qu’il pensait ou quelque chose d’approchant ; puis, un instant après, il dit courtoisement :

— En vérité, j’ai à m’excuser de ma… — il hésita un peu, car il était vraiment honteux de lui-même ; tous ses instincts sanguinaires avaient disparu, et le sentiment du ridicule, si douloureusement prononcé chez l’Anglais, étant réveillé chez lui, il sentait qu’il était couvert de ridicule. — J’ai à vous faire mes excuses pour ma conduite absurde de tout à l’heure ; mais ayant entendu un bruit très-cruel et calomnieux qui vous associait comme étranger, et non pas comme un proche parent, à Mme Gilbert, et entretenant pour cette personne et son mari un respect très-sincère ; pour ne rien dire du fait que je sortais de table… — Lansdell n’avait pas bu plus d’un verre de vin depuis vingt-quatre heures ; mais il se serait volontiers reconnu pour un ivrogne, s’il avait pu par là diminuer le ridicule de sa position, — … en un mot, j’avais complètement perdu la tête. Je suis très-heureux de penser que vous êtes si proche parent d’une femme que j’estime si fort, et si je puis vous être utile en quelque chose, je…

— Un instant ! — s’écria Sleaford l’avocat, — un instant ! Il me semblait aussi que je connaissais votre voix. Vous êtes le dandy désœuvré, qui était si bien