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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/244

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LA FEMME DU DOCTEUR.

au sujet de l’homme qui avait tant contribué à sa condamnation. Les ombres épaisses de la nuit cachaient la pâleur de son visage bouleversé, comme elle se promenait dans le vallon agreste en compagnie de Sleaford ; d’ailleurs, celui-ci était beaucoup trop absorbé par le sentiment de ses propres griefs pour remarquer l’agitation de sa fille.

Pendant cette entrevue, Isabel en entendit assez pour se convaincre que le danger qui menaçait Roland était très-réel et très-rapproché. Les sentiments vindicatifs de Sleaford s’étaient accrus et enracinés dans la solitude des dernières années. Chacune des privations et des souffrances endurées pendant son emprisonnement était un nouvel article ajouté à la longue liste des méfaits de Lansdell, ce « dandy oisif, » auquel il n’avait pas fait tort d’un sou, mais qui, pour le seul plaisir de la chasse, l’avait traqué et forcé. Voici ce qu’il ne pouvait pardonner. Il n’admettait pas le droit d’un agent de police amateur qui portait témoignage contre un malfaiteur, dans l’intérêt général de la société.

Après cette première entrevue dans le Ravin de Nessborough, la femme du médecin n’eut plus qu’une pensée, qu’un but, qu’un désir ; laisser son père dans l’ignorance du domicile si rapproché de son ennemi et l’éloigner avant qu’il résultât quelque malheur de la rencontre des deux hommes. Mais ce n’était pas chose aisée. Sleaford refusa de quitter ses quartiers à l’auberge des Armes de Leicester avant d’avoir obtenu ce qu’il était venu chercher dans le Midland : assez d’argent pour se créer une nouvelle carrière. Il s’était rendu à Jersey immédiatement après sa libération et il avait vu sa femme et ses fils. Par eux il