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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/243

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LA FEMME DU DOCTEUR

que tout fut décidé, qu’elle sut ce que serait le sort de Sleaford. Ce fut pourquoi elle ne put voir le nom de Lansdell dans le nombre des témoins à charge ; et, alors même qu’elle aurait vu ce nom, il est douteux qu’il fût resté dans sa mémoire jusqu’au jour où elle rencontra le châtelain de Mordred.

Aucune parole ne peut décrire l’horreur qu’elle ressentit à l’apparition soudaine de son père dans le Midland. Absolument ignorante des usages de la vie de prison et des privilèges d’un condamné libéré, elle avait regardé la sinistre habitation de Sleaford comme une sorte de tombeau dans lequel il serait enterré vivant pendant toute la durée de sa peine. Vaguement, et bien loin d’elle, elle entrevoyait l’ombre d’un danger pour Roland, dans la mise en liberté définitive de son ennemi ; mais l’ombre semblait si éloignée, qu’après le premier choc causé par le récit de Lansdell, elle avait presque disparu de son esprit, effacée par des joies et des chagrins plus rapprochés. Ce fut seulement lorsque son père apparut devant elle dur et exigeant, rendu brutal et féroce par la vie de prison, misérable à jamais, en guerre avec les lois qu’il avait méconnues, — ce fut seulement alors que lui fut révélée la vraie mesure du danger de Roland.

« Si jamais je sors de prison, je vous tuerai ! »

Elle n’avait pas oublié les termes de cette menace ; mais elle pouvait espérer que ce n’était qu’une menace en l’air, l’éclair inoffensif d’un moment de colère ; et non pas une promesse délibérée, qu’il tiendrait dès que l’occasion s’en présenterait. Voici ce qu’elle espérait ; et dans la première des entrevues furtives qu’elle eut avec son père, elle l’amena sur son procès et s’arrangea pour sonder ses sentiments