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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/252

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LA FEMME DU DOCTEUR.

naires ou atteints d’un anévrisme ! Pouvait-il être à la mort ? pouvait-il mourir d’une mort aussi héroïque qu’aucune de celles qu’elle avait lues dans ses romans : la mort d’un homme qui risque sa vie pour son prochain et qui perd la partie. Le souvenir de ses torts envers lui, — petits torts de négligence, opinions dédaigneuses de ses mérites, — torts que l’honnête et réaliste docteur n’avait même pas soupçonnés, — lui revint en cet instant et lui tortura le cœur par les angoisses du remords. L’ombre noire qui planait au-dessus de George, — cette ombre gigantesque et terrible, qui devenait plus épaisse de jour en jour, — faisait de lui un homme nouveau aux yeux de cette faible fille. Elle ne pouvait pas penser, elle ne pouvait qu’attendre, oppressée par une terreur qu’elle n’osait pas nommer. Elle resta longtemps dans la même attitude, immobile et découragée, presque aussi abattue que l’homme qui gisait dans la chambre à demi-obscure au-dessus d’elle. Enfin, avec un effort, elle monta l’escalier et pénétra dans cette chambre où elle fut accueillie par les visages sévères de ceux qui gardaient le malade et qui lui montrèrent peu de sympathie dans les regards qu’ils lui jetèrent.

Jeffson et Mathilda n’avaient-ils pas appris les bruits qui couraient dans Graybridge, et pouvaient-ils témoigner quelque pitié pour une femme qui quittait nuitamment et furtivement la maison de son mari malade pour aller trouver un étranger ?

Isabel aurait volontiers fait quelque question anxieuse au sujet du malade ; mais Mathilda fronça le sourcil d’un air sévère en la regardant, et lui commanda le silence d’un geste impérieux. Force lui fut donc de se glisser dans un angle obscur où elle avait