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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/264

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LA FEMME DU DOCTEUR.

— C’est M. Raymond, de Conventford. Il est bien matin pour qu’il soit déjà à Graybridge ; mais il a l’air aussi pâle et aussi fatigué que s’il était resté debout toute la nuit. Il a été tout surpris quand je lui ai dit le malheur qui avait frappé notre pauvre maître.

En ce moment, Mathilda eut recours au tablier de coton qu’elle avait si souvent porté à ses yeux pendant la dernière semaine. Isabel s’enveloppa à la hâte d’un petit châle ; elle ne s’était pas déshabillée pendant la nuit précédente, et elle paraissait très-pâle, très-affaiblie, et très-défaite à la lumière éclatante du jour.

M. Raymond !… M. Raymond !…

Elle répéta ce nom une ou deux fois, et s’efforça de demander ce qui l’amenait vers elle. Il s’était toujours montré très-bon pour elle et elle associait son souvenir avec un sentiment de véritable sagesse et de vigueur joyeuse de l’esprit. Sa présence ne pouvait que lui faire du bien, pensait-elle. Après M. Colborne, il était la personne qu’elle désirait le plus voir.

— Je vais aller le trouver, Mathilda, — dit-elle en se levant lentement du canapé. — Il a toujours été très-bon pour moi. Mais, hélas ! combien sa vue va me rappeler ce temps de Conventford, alors que George venait me voir le dimanche et que nous allions nous promener dans les grandes prairies froides et nues !

En parlant ainsi elle revoyait cette époque : passage incolore de sa vie, pendant lequel elle avait été, sinon heureuse, du moins contente. Et depuis ce temps, quelle splendeur tropicale, quelle radieuse oasis de lumière et de couleur s’était soudainement déroulée sous ses pas ! Forêt de fleurs miraculeuses et de feuillages enchantés qui l’avait isolée du monde terre à