Aller au contenu

Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
259
LA FEMME DU DOCTEUR

femme et mourir jeune, comme la mère de George.

Il est à remarquer que l’idéal qu’Isabel se faisait de la vertu était toujours lié à l’idée d’une mort prématurée. Elle avait une idée vague que les gens très-religieux et très-dévoués accomplissaient assez rapidement leur rôle de martyr et recevaient la récompense promise. Ses notions d’abnégation étaient encore très-restreintes ; elle eût compris avec peine une longue carrière consacrée aux pratiques vertueuses. Les religieuses étaient pour elle des femmes qui disaient adieu au monde, qui se faisaient couper les cheveux, qui se retiraient dans un couvent et qui y mouraient bientôt après pendant qu’elles étaient encore jeunes et intéressantes. Elle n’aurait pu s’imaginer une religieuse âgée, ayant passé une longue vie d’abnégation, se levant à quatre heures du matin et se montrant aussi gaie et aussi vive que n’importe quelle épouse ou mère. Et cependant il existe de ces femmes.

Mme Gilbert prit un peu de thé chaud, puis elle s’assit tranquille, la tête posée sur l’épaule de Mathilda, et la main étreignant les doigts rugueux de la digne femme. Cette étreinte vivante parut apporter quelque consolation à Isabel, tant la mort avait envahi le cercle restreint de son existence.

— Pensez-vous que vous serez assez bien portante maintenant pour le voir, ma pauvre enfant ? — dit Mathilda après un long silence. — Je ne vous en aurais pas parlé s’il ne m’avait paru inquiet, comme s’il lui arrivait quelque chose ; et je sais qu’il s’est montré très-bon pour vous.

Isabel la regarda avec étonnement.

— Je ne sais de qui vous parlez, — dit-elle.