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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/267

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LA FEMME DU DOCTEUR

fils unique ! Je l’ai vu me regarder comme elle m’avait regardé lorsque je l’embrassai à l’église le jour de son mariage. Tant qu’il aurait vécu, je n’aurais jamais pu croire qu’elle était entièrement perdue pour moi.

Isabel n’entendait rien de ces phrases rompues. Raymond les prononçait d’une voix rêveuse et sourde qui n’était pas destinée à frapper des oreilles humaines. Pendant quelques instants il resta silencieusement assis auprès de la jeune femme, tenant toujours sa main entre les siennes ; puis il se leva et se promena de long en large, d’un pas lent et discret et la tête baissée sur la poitrine.

— Vous avez été très-douloureusement affectée par la mort de votre mari ? — dit-il enfin.

Isabel se remit à pleurer à cette question, — larmes nerveuses, qui, peut-être, ne signifiaient pas beaucoup.

— Oh ! beaucoup… beaucoup… — répondit-elle. — Je sais que je ne me suis pas conduite aussi bien que je l’aurais dû, et maintenant il est trop tard pour que je lui en demande pardon.

— Vous l’aimiez beaucoup, sans doute ?

Isabel rougit légèrement ; puis elle répondit en hésitant un peu :

— Il était très-bon pour moi et je… je m’efforçais toujours… presque toujours… de m’en montrer reconnaissante, — ajouta-t-elle, en se souvenant avec remords de ces moments de révolte pendant lesquels elle avait détesté son mari parce qu’il mangeait des oignons et qu’il portait des bottines fabriquées à Graybridge.

Un vague sourire se dessina sur la physionomie de Raymond en voyant l’embarras d’Isabel. Nous sommes