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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/275

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LA FEMME DU DOCTEUR

sauta d’un seul bond des horribles régions glaciales au milieu d’une atmosphère de chaleur et de lumière. Il ne mourrait pas ! Ce n’était pas ainsi qu’était la mort. Il lui parlait aujourd’hui comme il avait toujours parlé. C’était la même voix, la même harmonie douce qu’elle avait si souvent entendue mêlée à la chanson du ruisseau ; la voix qui avait résonné sans cesse dans ses rêves de jour et de nuit. Elle oublia qu’elle avait mal agi en l’aimant. Tous ses remords, tous ses regrets, disparurent comme une chose qui n’avait jamais existé ; elle était Gretchen, Alice, tout ce qui est ignorant dévoué et fou ; mais il ne mourrait pas ! Elle glissa de sa chaise et tomba à genoux auprès du lit. Il n’y eut rien de violent ou de dramatique dans ce mouvement ; c’était presque involontaire, à demi machinal.

— Oh ! je suis si heureuse de vous entendre parler ! — dit-elle ; — cela me rend si joyeuse… de vous voir ainsi. On m’avait dit que vous étiez très… très-malade… ; que vous étiez…

— On ne vous a dit que la vérité, — répondit gravement Roland. — Oh ! chère madame Gilbert, il faut que vous vous efforciez d’oublier ce que j’ai été, ou vous ne pourrez jamais comprendre ce que je suis devenu. J’étais si las de la vie et je pensais avoir si peu d’intérêt à rester ici-bas ! Mais je suis absolument transformé, maintenant que je n’ai plus d’espoir sur cette terre. Isabel, je vous ai envoyé chercher, parce que dans cette dernière entrevue, je veux reconnaître le mal que je vous ai fait et vous demander pardon de ce mal.

— Me demander pardon… à moi !… Oh ! non !… non !…